___Trois nuits ont passé. Nous sommes jeudi, le quatrième jour. Qu'est devenu chacun de nous ? Quelle est son intention ? Règle n°1 : ne plus faire confiance à personne. C'est une question de survie. Je ne connais pas leurs vies privées, ce qui peut les pousser ou non à agir, alors je dois me méfier.
Si au bout de deux jours, vous n'avez tué personne, l'un de vos proches meurt. Ce genre de situation peut rendre un homme dangereux. Je ne participerai pas à cette cruauté. Je n'ai aucune idée de comment on en est arrivés là, s'il y a un auteur à tout cela, et qui cela pourrait-être, je ne connais pas le but de tout cela - s'il y en a un, mais ce que je sais, c'est que je n'y participerai pas. Je n'ai personne à qui je tiens. Ma famille ne l'est que de sang, et mes amis ne sont que des connaissances. Je suis solitaire, et pas du genre à avoir un entourage très proche. Dans ma tête, une voix me l'ordonne clairement.
Rhist, survis. Les seuls amis à qui je tiens vraiment sont dans le même bourbier que moi. Comment pourrais-je nommer cela ? Un jeu ? A la Hunger Games, à la Mirai Nikki, cette chose en est bien trop proche. Une différence ? Ce jeu est bien réel. Je frissonne. Comment cela peut-il exister dans un monde comme le nôtre ? Ce qui est arrivé jusque là ? Je n'ai croisé personne. Après que nous ayons lu l'inscription gravée dans la pierre, celle-ci s'est mise à briller, et nous nous sommes retrouvés dispatchés aux quatre coin de Nantes. Je ne sais pas si tout le monde est encore vivant, mais ce que je sais, c'est que l'avertissement n'est pas une plaisanterie. A minuit, le deuxième jour terminé, j'ai eu la vision d'un de mes camarades de classe se briser la nuque en tombant dans les escaliers. Qui d'autre aura eu une vision semblable ? Combien sont encore en vie ? Tous ? Deux ou trois ? Je croquai un bout de mon sandwich. Depuis lundi, le soleil n'avait pas cessé d'être noir. Tout était resté immobile, si ce n'est les horloges et autres indicateurs de temps. Il n'y avait personne. Toute trace de vie avait disparu. Je me nourrissais en me servant dans les magasins déserts. J'engloutis le reste du sandwich et marchai le long de la rue, à la recherche d'un endroit tranquille et discret pour me reposer. Le soleil se couchait, et je ne tarderai pas à avoir la vision d'un autre de mes ''proches'' décéder. Étais-je un lâche ? Regarder des innocents mourir, est-ce pire que de tuer soi-même d'autres innocents ? J'avais fait ce choix.
___Alors que je passais devant un petit parc public, j'entendis des fragments de voix. Je m'approchai de leur source. Je me cachai derrière les haies entourant le parc et observai. A une dizaine de mètres de l'endroit où je me trouvais se dressait Kaylina. Elle était debout, raide, les bras le long du corps. Dans sa main droite, elle tenait un marteau. Elle avait dû le prendre pour avoir de quoi se défendre au cas où. Sage décision.
___Elle fixait quelque chose. Je suivis son regard. En face d'elle, Mao. Il lui parlait.
___« Kaylina, pourquoi as-tu peur de moi... ? Je ne te ferais jamais de mal, tu le sais bien ! Viens avec moi, il faut qu'on fuie !
Kaylina ne réagissait pas. Elle restait debout, son regard vide posé sur Mao, qui semblait désespéré.
___- Tu ne me crois pas...?
___Mao paraissait sincère. Cependant, on ne pouvait plus être sûr de rien, songeai-je. Je me demandais comment la scène allait se terminer. Hésitant, mais confiant malgré tout, Mao se rapprochait de plus en plus de Kaylina, les bras ouverts. Je le regardai en détails. Poches plates, manches aussi, il ne semblait pas avoir d'arme cachée quelque part sur lui. Il n'était plus qu'à quelques mètres d'elle. Voyant qu'elle ne faisait rien, il accéléra le pas, se rapprochant de plus en plus vite d'elle. Au moment où il arriva près d'elle, Kaylina prit son marteau à deux mains, et, fermant les yeux, l'abattit de toutes ses forces sur le crâne du jeune homme. Celui-ci, les yeux écarquillés, s'écroula instantanément. Kaylina resta debout devant le corps sans vie. Elle baissa la tête. Je la vis passer son avant-bras sur son visage, je vis ses épaules trembler. Elle pleurait.
___Je m'éloignai discrètement du parc. Mon cœur s'était emballé. Kaylina avait été capable de tuer Mao. Dans un élan de crainte et d'angoisse, elle l'avait tué sans hésitation. Qu'en était-il des autres ? La confiance, l'amitié, tout était brisé. Peut-être bien que Mao était la première victime de ce jeu ignoble. Où étaient les autres en ce moment ? Que faisaient-il ?
___Je revins au parc quand la nuit fut tombée. Le corps de Mao gisait toujours au même endroit. Kaylina était partie. Je m'en approchai. Il avait encore le regard plein de désespoir, de surprise et de déception. Je glissai ma main sur son visage et fermai ses yeux. Tout à coup, je fus pris de vertiges. Dans ma tête, de nouvelles images défilèrent. Je vis une femme glisser dans sa cuisine et s'empaler sur le couteau qu'elle tenait en main. Ma mère venait de mourir à son tour.