____Samedi. Nous étions face à face. A quelques mètres l'un de l'autre. Lui avec son sabre, moi avec mon couteau. Nous n'allions plus voir de proche mourir. Tout se terminerait aujourd'hui. Qu'allait-il se passer ensuite ? On ne le saura pas avant que l'un de nous disparaisse. Peut-être que tout cela n'était qu'un rêve. Peut-être que nous nous réveillerons tous dans le parc, peut-être que quand nous retrouverons notre monde, tout le monde sera vivant. Il n'y avait qu'un moyen de le savoir. Je resserrai mes doigts sur le manche du couteau.
____« Tu sais...
Ce silence soudain rompu me surpris.
____- Il faut que tu saches que je n'ai jamais tué personne, si ce n'est Yami.
Je fronçai les sourcils.
____- C'est lui qui a tué Baki. Et Kaylina. Et Yuuko.
J'écarquillai les yeux. Il en avait tué autant ?
____- Depuis qu'il a vu l'un de ses proches mourir, il a perdu le contrôle de ses sentiments. Il a même tué Yuuko alors qu'il n'en avait pas besoin. Je ne l'ai pas empêché de commettre tous ces meurtres. Il fallait en arriver là de toute façon. Nous le savons tous les deux.
Je hochai la tête.
____- J'imagine que tu as su déduire que moi aussi, j'ai vu deux de mes proches mourir. Le fait d'avoir suivi Yami n'a rien changé à ça. Je n'ai tué personne, donc j'ai subi le même sort que vous. Je ne sais pas quand ni comment sont morts Night, Mao, Rhist et Chi, mais sans doute ont ils vu eux aussi un proche mourir.
____- Je sais que Kaylina a tué Mao.
Nathaël ne cacha pas sa surprise. Il reprit son expression neutre.
____- Chi... a tué Rhist...
Encore une fois, le visage de Nathaël exprima son étonnement.
____- Comment en sommes-nous arrivés là...
____Je ne répondis pas. J'espérais qu'il ne mentionne pas la mort de Chi. Il ne le fit pas. Nous n'avions pas bougé, toujours face à face, toujours à quelques mètres.
____- Alors nous n'avons plus le choix, maintenant, hein... dis-je en empoignant mon couteau.
____- Ne te donne pas cette peine, m'interrompit Nath en dégainant son sabre.
Je m'arrêtai dans mon élan, surpris.
____- Je ne comptais tuer personne. J'espérais me retrouver seul. J'espérais que vous auriez fait le sale travail. Je sais, c'est égoïste, mais ne l'avons nous pas tous été, d'une manière ou d'une autre ? J'ai tué Yami malgré moi. Je le regrette déjà bien assez. Je ne compte pas te tuer.
Je baissai les bras, désemparé.
____- Mais... on ne va pas laisser la situation comme ça indéfiniment... !
____- Non, rassure-toi, tout sera bel et bien terminé aujourd'hui.
Je fronçai les sourcils, soupçonnant un piège de sa part.
____- Nous savons que si nous ne tuons personne pendant deux jours, l'un de nos proches meurt. Jusque là, nous n'avions que deux choix : la mort d'un proche, ou la mort d'un des amis présents. Au fond, cela revenait au même, si ce n'est que dans un cas, nous devions tuer de nos propres mains. Seulement un fait n'a pas été mentionné. A partir de la mort de quelqu'un, celui-ci ne perdra plus aucun proche, puisqu'il est ''hors-jeu''.
____Nous avons tous été trop égoïstes pour y penser, mais si nous avions vraiment tenu à garder tout le monde en vie, nous nous serions tous tués dès le premier jour, et personne d'autre que nous ne serait mort. Un bilan de 10 morts contre un bilan de... bien plus. Tous ceux qui sont morts aujourd'hui ont bien dû perdre au moins un de leurs proches avant leur mort. Ce qui élèverait le bilan à 16 morts plus les proches que nous deux avons perdu. Finalement, nous avons nous-même provoqué la mort, aveuglés par notre désir de vivre.
Il posa ses yeux sur son sabre, le regard vague.
____- Je ne te tuerai pas, de même qu'aucun de nous ne perdra plus de proches. Tout cela est terminé.
Esquissant un sourire apaisé, il éleva son sabre.
____- Nath, attends !
Il s'arrêta et leva les yeux vers moi, le regard interrogateur. Je baissai la tête.
____- T'es un mec bien... »
____Il sourit à nouveau et abaissa son sabre. Je me forçai à ne pas détourner le regard. Alors qu'il s'écroulait, le ciel s'assombrit. Le décor trembla, un vent puissant se mit à souffler. Je me couvris le visage. Lorsque je rouvris les yeux, j'étais sur la pelouse, au milieu des bambous, dans le parc de Procé. Seul.