____Vendredi. Je marchais lentement, les genoux fléchis, les bras ballants. Traînant presque des pieds, j'errais dans cette ville que je connaissais si différente. Depuis lundi, j'étais seule. J'avais entendu un cri une fois. Je m'étais rendu là où j'avais entendu ce cri et n'avais trouvé que le corps de Night, encore chaud, et personne d'autres aux alentours. Que s'était-il passé pendant tout ce temps ? J'avais vu mon frère et ma sœur mourir. Mon cœur était en mille morceaux. Qui serait le suivant ? Je me sentais morte, morte dans un corps en vie. Comme un corps sans âme. Je tenais dans la main un pistolet, que j'avais été chercher à l'armurerie la plus proche. Je n'aurai jamais pensé entrer dans une armurerie un jour. Encore moins pour un cas comme celui-là. J'avais peu dormi, ayant toujours peur de ne jamais me réveiller. Je n'avais presque jamais lâché la crosse du pistolet, et ma main ne faisait plus qu'un avec elle. Je levai les yeux vers le ciel. Il faisait sombre. Des gros nuages noirs arrivaient. « Il va pleuvoir », pensai-je. Je ne me trompai pas. En milieu d'après-midi, il se mit à pleuvoir abondamment. Je continuai à errer, indifférente à la pluie, mes cheveux ruisselant sur mon visage. Je marchais le long du boulevard Guist'hau, non loin de l'endroit où se trouvait mon ancien lycée. Devais-je aller me cacher là-bas ? Me cacher de quoi ? De qui ? Je n'avais croisé personne – du moins personne en vie – depuis cinq jours. Tout à coup, je sentis une présence. Je levai les yeux. Une silhouette venait dans ma direction. Je n'arrivais pas à voir clairement qui cela pouvait-il être à cause de la pluie. Je m'arrêtai, attendant que l'inconnu se rapproche. Je finis par distinguer son visage, et lui, le mien.
____« Chi...
Rhist...
____Cela faisait tellement longtemps que je n'avait vu aucun humain. Du moins, aucun humain vivant. Je ne savais pas quoi dire, quoi faire. C'est comme s'il venait d'un autre monde. Depuis cinq jours, rien ne bougeait, pas même les arbres. Tout était figé. Voir une silhouette évoluer dans le décor, c'était comme si j'étais en train d'avoir une hallucination.
____Rhist fit un pas vers moi. Je tendis les mains vers lui, mon pistolet tenu fermement, sentant la peur monter d'un coup en moi.
____- N'approche pas !
Il sourit d'un air las. Ses cheveux dégoulinaient sur son visage. Les miens en faisaient autant. Il semblait être indifférent à ma menace.
____- Tu oserais me tirer dessus ?
____Je tremblai. De froid, à cause de la pluie qui me glaçait les os, et de peur. Peur de devoir le tuer. Peur qu'il me tue. A vrai dire, je bluffais. Je me sentais incapable de tirer sur lui, ni sur qui que ce soit.
____- Je n'ai pas d'arme, ajouta-t-il calmement. Je n'ai aucunement l'intention de te tuer. Je me contente simplement de survivre.
Il fit un pas vers moi.
____- N'approche pas ! Paniquai-je, terrifiée.
____- N'aie pas peur, répétait-il constamment.
Il continua d'avancer vers moi. Je perdis le peu de sang-froid qu'il me restait.
____- N'approche pas ! N'approche pas ! N'approche pas ! Hurlai-je.
____Mes doigts glissèrent involontairement sur la gâchette, et j'entendis mon arme détonner. J'ouvris les yeux avec effroi. Devant moi, Rhist vacilla, puis, s'écroula sur le sol mouillé, où son sang se mêla à l'eau répandue par la pluie. Je lâchai mon arme et me précipitai vers lui.
____- Rhist !!
Mes larmes se mêlèrent aux gouttes de pluies sur mon visage. J'étais secouée d'innombrables sanglots.
____- Je suis désolée ! Je ne voulais pas... je... je n'aurais jamais... je suis désolée... je suis désolée... je suis désolée... »
____Je ne cessait de répéter ces mots, désespérée. Je voulais me réveiller, je voulais que l'on me dise que tout cela n'était un rêve, je voulais retourner dans mon lit, skypant avec tout le monde, je voulais être n'importe où sauf ici. Je restai à genoux, près de Rhist, le regard vide, la tête baissée, laissant la pluie et les larmes ruisseler sur mon visage.
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